Soumis le 8 juillet 2016
L’occasion d’innover
L’effondrement de la période « Tigre celtique » de l’économie irlandaise en 2008 a entraîné de graves répercussions dans l’éducation supérieure. Par exemple, le personnel des établissements d’enseignement a subi une diminution de 20 % de leur rémunération, et tous les établissements d’enseignement et les organismes publics ont dû réduire de 20 % leurs effectifs. Globalement selon le journal Irish Times dans son édition du 10 mars 2016, le budget gouvernemental de l’éducation supérieure a chuté de presque 40 %, passant de 1,4 milliard d’euros en 2007-2008 à 860 millions d’euros en 2015-2016. Les conséquences d’une telle réduction incluent la taille plus grande des classes, un accès moindre aux laboratoires et aux tutoriels, ainsi que la désuétude des installations et des logiciels. En outre, les règles syndicales restreignant la restructuration et les licenciements limitent les options institutionnelles.
Concurremment, le nombre d’étudiantes et d’étudiants dans l’éducation supérieure en Irlande a continué d’augmenter : il est attendu que le nombre de cette population étudiante passe de 165 000 en 2013 à 212 000 d’ici 2028. Un comité de haut niveau a été mis en place pour examiner les options en matière du financement continu de l’éducation supérieure. Actuellement, les étudiantes et les étudiants de premier cycle n’ont pas à payer les frais de scolarité pour leurs cours, mais les frais d’inscription, qu’ils doivent payer, ont augmenté régulièrement. À de rares exceptions près, les étudiantes et les étudiants à temps partiel et hors campus (incluant ceux qui étudient en ligne) ne sont pas subventionnés par le gouvernement et, donc, ils doivent payer les frais de scolarité entiers pour l’inscription et leurs cours.
Or, le nombre d’inscriptions à la Dublin City University (DCU) a connu une augmentation à deux chiffres depuis quelques années, et cela a exercé une énorme pression sur cet établissement d’enseignement. La DCU procède aussi actuellement à un projet impliquant la fusion de plusieurs collèges d’éducation, qui produira une augmentation de 4 000 autres étudiantes et étudiants d’ici la fin de l’année 2016.
Mark Brown, directeur du National Institute for Digital Learning (NIDL) à la DCU, considère l’apprentissage flexible en ligne comme étant une composante cruciale pour relever ce défi.
L’innovation
Le National Institute for Digital Learning (NIDL) est un institut national pour l’apprentissage numérique qui vise à devenir un chef de file mondial dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des modèles contemporains d’enseignement et d’apprentissage. Pour réaliser cet objectif, de nombreuses initiatives institutionnelles et collaboratives sont en cours. Mark Brown indique le paradoxe de l’innovation incroyable qui surgit dans un système sous pression intense : l’innovation émerge par la force des choses. Les activités du NIDL incluent celles qui sont décrites ci-dessous.
La DCU Connected – Le nom DCU Connected a été soigneusement choisi afin de désigner une marque, qui va au-delà de l’apprentissage en ligne en fournissant des connexions essentielles pour l’expérience des apprenantes et des apprenants vers les connaissances, le personnel enseignant, l’établissement d’enseignement, les experts et le monde. Les étudiantes et les étudiants peuvent choisir un programme menant à un diplôme ou un programme d’études spécialisé dans des domaines comme les lettres et sciences humaines et les technologies de l’information. Ces programmes ciblent le marché irlandais avec des composantes en face-à-face. Les grades de maîtrise et les diplômes universitaires supérieurs sont offerts en ligne dans diverses spécialités en administration des affaires, en technologies de l’information et en gestion, ainsi qu’en éducation.
DCU Open Academy – Une série de trois cours en ligne largement ouverts (MOOC) est lancée en 2016. Le cours d’introduction en langue gaélique d’Irlande cherche à attirer non seulement les apprenantes et les apprenants vivant dans ce pays, mais aussi la diaspora irlandaise à l’échelle mondiale. Il utilise une approche active pour l’apprentissage linguistique, qui favorise des interactions simples parmi les participantes et les participants. Les étudiantes et les étudiants se connectent au contenu, au personnel de facilitation et aux autres apprenantes et apprenants dans des sessions synchrones et asynchrones. Un deuxième MOOC sur les études irlandaises contemporaines examine le phénomène économique du Tigre celtique, le sport, la musique, la littérature, ainsi que la question des femmes en Irlande depuis l’insurrection de Pâques en 1916 jusqu’à l’époque contemporaine. Le troisième cours aborde les enjeux de la résolution de conflits. Cette nouvelle plateforme appelée Academy a été mise au point par Moodle HQ, et la DCU sera la première université au monde à piloter ce système pour offrir les MOOC.
Le Digital Learning Research Network – Ce réseau interdisciplinaire de recherche sur l'apprentissage numérique regroupe plus de 40 personnes ayant un puissant intérêt envers la recherche et le développement dans l’apprentissage amélioré par la technologie. Des universitaires au sein des facultés à travers la DCU participent aux projets et les dirigent, et ce, avec des collègues dans des collèges affiliés et d’autres organisations. Parmi les plus de 20 projets de recherche qui sont en cours, citons les suivants :
- What Works and Why – Le projet What Works & Why, qui traite de ce qui fonctionne et pourquoi, est subventionné par le National Forum for the Enhancement of Teaching and Learning in Higher Education (forum national pour l’amélioration de l'enseignement et de l'apprentissage dans l’éducation supérieure), vise à développer la littératie numérique et l’engagement chez les étudiantes et les étudiants et le personnel enseignant. Les membres du personnel enseignant soumettent des demandes de subventions qui leur permettent, comme le dit le chef du projet Mark Glynn Ph.D., de « combler l’écart entre la rhétorique et la réalité au sujet de la pratique avec les techniques d’apprentissage ». Les projets sont menés par des équipes d’enseignantes et d’enseignants au sein des disciplines, au fur et à mesure qu’elles posent des questions concernant les applications efficaces de la technologie pour l’apprentissage en salle de classe et potentiellement en ligne, puis ils y répondent. Plutôt que d’offrir des ateliers décontextualisés, les spécialistes des techniques d’apprentissage travaillent en partenariat avec le personnel enseignant pour élaborer des solutions possibles aux problèmes réels.
- PredictEd – L’analytique de l’environnement d’apprentissage virtuel LOOP est utilisée dans une étude portant sur le niveau de l’engagement parmi les étudiantes et les étudiants de première année pour examiner le lien direct entre les clics par ces derniers et leurs résultats. Quand il est apparent que des étudiantes et des étudiants soient à la traîne de leurs pairs (même aussi tôt qu’après deux semaines du début de la classe), on leur envoie un message hebdomadaire qui inclut aussi des informations sur les ressources que les autres apprenantes et apprenants ont trouvé utiles.
- Y1Feedback – Ce projet comporte un nombre d’études de recherche visant à améliorer les rétroactions de l’évaluation au moyen de technologies numériques, qui ciblent spécialement les étudiantes et les étudiants de première année afin de soutenir leur transition vers l’éducation supérieure. Quatre établissements d’enseignement participent à ce projet : la Maynooth University, l’Athlone Institute of Technology, la Dublin City University et le Dundalk Institute of Technology. Les deux premiers rapports de recherche sont intitulés Feedback in First Year: A Landscape Snapshot across Four Irish Higher Education Institutions (La rétroaction dans la première année : Un instantané du panorama à travers quatre établissements irlandais d’éducation supérieure) et Technology-Enabled Feedback in the First Year: A Synthesis of the Literature (La rétroaction technohabilitée dans la première année : Une synthèse de la littérature). Ces deux rapports de recherche sont disponibles à http://y1feedback.ie/.
Les résultats et les avantages
Les MOOC sont utilisés de manière à favoriser une riche écologie d’innovations et à rapporter ce qui est appris dans les programmes. Comme l’affirme Eamon Costello Ph.D., chef de deux projets majeurs de MOOC de la DCU qui sont subventionnés par l’Union européenne (HOME et SCORE2020) : « À travers les aspects techniques, pédagogiques et institutionnels de l’apprentissage en ligne, nous découvrons des occasions et des défis et les partageons à l’échelle internationale. » Les possibilités d’accréditation, notamment l’attribution d’insignes et de certifications de rechange utilisant le Système européen de transfert de crédits - ECTS, seront prises en considération.
L’approche enchâssée au sein des facultés pour des projets comme What Works and Why aident à promouvoir des résultats à long terme plus durables et soutiennent le réaménagement des programmes, le perfectionnement professionnel du personnel de formation et l’intégration minutieuse des technologies qui répondent aux besoins de l’enseignement et de l’apprentissage.
Les stades précoces des projets pilotes d’analytique de l’apprentissage contribuent à mieux comprendre comment les données peuvent être interprétées et à soutenir l’engagement étudiant. Ils ont montré le potentiel et les embûches de cette nouvelle voie de recherche, qui inclut maintenant une étude collaborative avec le Centre for Big Data in Education (Centre de données massives dans l’éducation) à la Beijing Normal University. Or dans ce cas, la DCU se concentre sur l’utilisation des technologies numériques et sur ce qui est connu au sujet des nouveaux modèles d’enseignement et d’apprentissage en vue d’encourager l’autorégulation étudiante.
L’apprentissage en ligne rend le processus de conception de l’apprentissage beaucoup plus évident, ce qui mène à des conceptions plus ciblées et à des améliorations dans la prestation des cours. Par exemple, l’engagement étudiant est crucial pour l’apprentissage en ligne et une focalisation sur une démarche visant à promouvoir la présence du personnel enseignant, jumelée à un usage efficace des nouveaux médias numériques, appuie un apprentissage plus actif.
Les défis et les améliorations
La capacité de la DCU d’augmenter son effectif étudiant en ligne en Irlande est limitée par son modèle de financement, qui exige que les personnes inscrites paient les frais entiers des cours. À l’échelle nationale, seuls 3 % des étudiantes et des étudiants suivent des cours en ligne. Dans le but d’accroître ces chiffres, il faut espérer que le modèle de financement favorisé pour l’éducation supérieure (en train d’être proposé par un comité de haut niveau) sera étendu aux personnes qui étudient à temps partiel et hors campus.
Le potentiel
Mark Brown a une vision d’avenir pour le National Institute for Digital Learning où le travail serait non seulement plus collaboratif au sein de la DCU, mais aussi à travers l’Irlande afin d’aider à exploiter les nouveaux modèles d’enseignement et d’apprentissage améliorés par la technologie. Cela implique ce qu’il décrit comme « un rôle de leadership éclairé stratégique, des services de recherches ciblées et de perfectionnement professionnel, et une démonstration de la contribution que la technologie peut apporter à l’enseignement et l’apprentissage quand elle est utilisée adéquatement ».
Selon une optique différente concernant la discussion en cours sur le dégroupage de l’enseignement et l’apprentissage, le professeur Brown déclare dans un récent discours liminaire devant l’Irish Higher Education Authority (HEA) que ce dernier est propulsé par des impératifs économiques. Et il aimerait voir « un dégroupage du calendrier pour donner plus de flexibilité aux étudiantes et étudiants ». Par exemple, les bibliothèques ont déjà dégroupé avec succès leurs services afin de devenir des espaces d’apprentissage efficace, en mesure d’organiser les sources d’information et beaucoup d’autres encore.
Dans une large considération du futur de l’éducation supérieure, Mark Brown souligne le danger que l’apprentissage en ligne soit vu comme une « vache à lait » et, ainsi, qu’elle soit entreprise sans se préoccuper trop de la pédagogie ni de la qualité. Alors que les gouvernements se débattent pour financer l’éducation supérieure, les fournisseurs privés d’apprentissage en ligne semblent offrir des solutions à moindre coût, car il semble par exemple plus efficace de proposer simplement l’enseignement d’un cours de mathématiques. « L’éducation peut être divisée en blocs vendables (micro titres de compétence, habiletés ponctuelles, segments d’information commercialisables) - des composantes sinistres de l’apprentissage selon un modèle monétaire. » Plutôt que d’être mise en œuvre comme une solution économique irréfléchie et inefficace, il croit que l’éducation en ligne peut être utilisée pour réaliser les Objectifs de développement durable des Nations Unies et, comme l’exprime la devise de la DCU, pour « Transformer les vies et les sociétés ».
Pour plus d’information
Professeur Mark Brown
Directeur
National Institute for Digital Learning
Dublin City University
Dublin, Irlande